Les traumatismes de l’enfance, des traumatismes de développement.
Il n’est jamais trop tard pour avoir une enfance heureuse
Les blessures de la vie ne peuvent cicatriser si on ne les soigne pas. Souvent inconscientes, les blessures de la petite enfance se produisent lors de la formation physique et psychique et impactent ce développement ; un développement restreint pour s’adapter à un contexte insuffisamment sécure.
Un développement plus tourné vers la protection et la défense que vers le plein épanouissement.
La sécurité intérieure se construit pendant la petite enfance.
La vie intra-utérine et la petite enfance jusqu’à 7 ans, sont d’importantes périodes d’imprégnation, pendant lesquelles l’enfant est totalement suggestible, réceptif à son environnement. La période post-natale notamment est une période de dépendance totale. Pour survivre, le bébé dépend des personnes qui prennent soin de lui. La recherche a montré que dès les premiers mois, il s’adapte à elles et modèle son comportement selon leurs réponses et réactions. On peut parler d’un véritable auto-conditionnement, d’une autocensure naturelle pour garantir un minimum de sécurité et de lien. Selon la théorie d’attachement, en tant que bébés, les liens que nous établissons et la confiance que nous développons envers nos parents et soignants constituent les fondements de notre sentiment de sécurité dans le monde.
Il y a sur-adaptation quand l’environnement n’est pas sensible aux besoins du bébé ni adapté à son bien-être. Je dis souvent « le bébé s’adapte pour se faire adopter », se faire adopter pour survivre. (Voir l’article sur les besoins de l’enfant). Les contextes défavorables à un développement sain pendant l’enfance peuvent créer des traumatismes, laisser des empreintes de souffrance dans nos cellules, notre système nerveux, notre cœur, notre être. Ils influencent inconsciemment notre relation à nous-mêmes et aux autres, notre comportement, notre identité.
Ils sont aussi appelés traumatismes de développement car ils se produisent alors que le corps et le système nerveux sont encore en formation. Je vais beaucoup citer le système nerveux donc autant préciser tout de suite que le cerveau lui appartient. (Voir l’article sur le nerf vague et la théorie polyvagale)
Ils font partie de la condition humaine et ne sont pas une condamnation à vie surtout si on les traite avec les méthodes de thérapie dites de dernière génération incluant le corps, la régulation du système nerveux, l’harmonisation énergétique et la sagesse intérieure. Ils sont plus longs à traiter que les traumatismes dits ponctuels. Encore plus difficiles à guérir lorsque l’environnement actuel n’est pas sécurisant.
Ce sont aussi des défis qui nous invitent à évoluer, à sortir des compromis et des conditionnements. A apprendre à s’aimer dans tous ses aspects.
La solitude émotionnelle, facteur de traumatisme.
Comment se renforce le traumatisme de l’enfance ?
Le bébé est « branché » sur les émotions de son entourage. Il capte via ses sens, sa proprioception, son système nerveux toutes les informations nécessaires. Il est donc très influencé par la maturité émotionnelle et nerveuse de son entourage. Il a besoin d’ »un autre » plus fort et plus sûr pour se calmer, se rassurer. Aussi, quand des évènements difficiles et submergeant arrivent pendant cette période, le vécu émotionnel de l’enfant dépend fortement de la relation avec ses parents ou avec les personnes qui prennent soin de lui, de leur attitude à son égard.
La relation parents-enfants construit l’intelligence émotionnelle
Face à un enfant en souffrance, l’ attitude des parents est primordiale :
Si les parents réalisent que leur enfant est en détresse et savent s’apaiser eux-mêmes, ils seront plus disponibles pour lui. S’ils sont ouverts, soutenants, rassurants, compréhensifs, encourageants, confiants en ses capacités de résilience, il y a de grandes chances que les traces de cet évènement difficile soient atténuées. Par cette attitude, le parent offre à la fois un réconfort, une co-régulation du système nerveux et un apprentissage de l’auto-apaisement. L’enfant « apprend » progressivement à se calmer, à accueillir ses états, à prendre soin de lui avec l’appui de son entourage, développant ainsi son intelligence émotionnelle liée au tonus du nerf vague ventral. Parce que ses états sont acceptés et calmés par ses proches, l’enfant acceptant ses émotions est plus apte à comprendre la situation. Le choc ne laissera pas ou peu de traces. Implicitement, l’enfant perçoit aussi qu’il n’est pas seul, qu’il peut compter sur un adulte pour lui venir en aide et même qu’il peut demander de l’aide. Cette alliance sera le ferment d’une confiance en lui, en l’autre et en la vie qui l’accompagneront toujours. Face à des defis ou des chocs, il aura beaucoup plus de résilience car plus d’accès à des ressources personnelles et relationnelles. L’attachement sécure est le socle de la capacité de résilience.
Il semble que ce soit la répétition d’expériences précoces d’apaisement physiologique face au danger qui permette au cerveau de développer ses capacités d’intégration et de reprise de contrôle cortical. Ces expériences précoces s’appuient initialement sur la co-régulation émotionnelle par les figures d’attachement à travers un attachement sécure, en particulier jusqu’à 2 ans.
La double peine.
Par contre si les parents ou/et les personnes qui prennent soin de l’enfant (« caretaker » en anglais) ne sont pas disponibles physiquement ou sont submergés, préoccupés, par leur présent ou leur passé, leur travail ou des relations toxiques, ils seront peu présents affectivement et insuffisamment sécurisants. Ils peuvent ne pas mesurer l’ampleur de la souffrance que rencontre leur enfant ou sembler indifférents, se comporter de façon inadéquate malgré de bonnes intentions. Par exemple, un parent déprimé, malade ou lui-même traumatisé, en insécurité professionnelle ou dans un couple en conflit…Le lien entre le bébé ou l’enfant et le parent s’étiole, devient insécure et le bébé est en état d’alerte : cette coupure relationnelle est pour lui dangereuse et insupportable. Le système nerveux va réagir en conséquence par une activation très élevée suivie d’un figement.
Enfin, si les parents sont incapables de tolérer l’état émotionnel de l’enfant, ne supportent pas les cris, s’ils sont en colère quand il pleure ou affolés, se sentant coupables, ne savent pas s’apaiser, l’enfant va capter le stress de son entourage en plus de sa propre détresse. Cela peut être un contexte de parents eux-mêmes en détresse ou qui idéalisent ce qu’est un bébé avant d’être parent ou d’autres qui ne connaissent pas les vrais besoins du bébé et suivent des règles obsolètes.
L’enfant va devoir gérer seul cette superposition de stress intolérable. Pour ce faire, il va refouler automatiquement ses émotions grâce à une réaction du système nerveux autonome qui va déclencher une injection d’hormones du stress permettant une mobilisation des muscles pour bloquer la respiration et la vague émotionnelle. Ce fonctionnement physique automatique devient systématique et souvent chronique. Sur le plan psychologique, l’enfant apprend à craindre ses émotions et à se juger d’en ressentir et d’en exprimer. Il renonce à appeler à l’aide.
Il va alors perdre l’écoute de soi, sa boussole intérieure.
Il ne s’agit pas de blâmer les parents mais de comprendre l’influence de leur vécu émotionnel sur le développement de l’enfant. En tant qu’adulte, à chaque fois que nous fuyons une émotion, en l’évitant ou en luttant contre par des stratégies, le mental ou l’action, ou en se déchargeant sur autrui, nous nous coupons de nous-même et donc des autres. Et l’enfant en besoin de connexion ressent cette coupure.
Un conditionnement qui se répète.
Les besoins relationnels et de soutien de l’enfant sont encore peu connus et encore moins compris. Quand ils sont compris avec la tête ou le coeur, ils sont rarement ressentis dans le corps, ce qui permettrait une perception pleine de cette nécessité. Souvent, l’entourage familial soutient ce mode d’éducation, cette répression ordinaire, par exemple en conseillant de ne pas prendre le bébé dans les bras trop longtemps pour ne pas l’habituer, en recommandant de laisser pleurer le bébé. La coupure relationnelle agrave la souffrance de l’enfant qui s’exprime sans ou avec peu de mots. On coupe la relation aussi en faisant taire l’enfant, en minimisant sa peine, en l’enfermant dans sa chambre ou en le toisant du regard. L’enfant se sent encore plus inadapté et s’isole intérieurement, se ferme. Pour survivre, il va peu à peu faire « comme si » tout allait bien, créer un mode de survie adaptatif, un faux-self, un faux-soi. C’est ce que l’on appelle le moi ou l’égo chez les anglo-saxons, le petit moi selon Eckart Tolle.
Le cercle vicieux du stress post-traumatique de l’enfance, le rôle du système nerveux autonome
Le petit enfant est démuni face au danger.
Face à un évènement menaçant, le petit enfant en difficulté d’attachement est dans une impasse : il n’a ni les capacités physiques de s’éloigner un moment ou de repousser, ni la capacité de parler. Il ne peut pas raconter ce qui lui arrive, ni trouver un autre adulte pour lui venir en aide. N’ayant pas la maturité physico-émotionnelle pour s’apaiser, il va se sentir encore plus seul et impuissant, donc encore plus insécure. Pour un enfant, être incompris = insécure = en danger.
Quand la maltraitance est dans le foyer, tous ces aspects sont démultipliés.
Une escalade du stress qui déclenche un état d’alerte et va créer une grande dérégulation de l’homéostasie ⃰ . Pour maintenir un équilibre des fonctions, le corps, automatiquement, grâce au système nerveux autonome, bloque les émotions et la respiration par un envoi d’hormones du stress et des tensions musculaires. On appelle cela un état de sidération ou de figement. Qui est en fait, un état de choc. L’expression du désespoir va cesser, cris et pleurs vont s’arrêter. L’entourage se dit que l’enfant s’est calmé…
Si cet état dure, le système nerveux va encore plus se désorganiser et la désorganisation s’installer.
Ce figement, vécu comme un anéantissement, amènera l’enfant à se sentir encore plus effrayé car encore plus impuissant.
C’est cette partie qui prend le contrôle en nous lorsque nous rencontrons des peurs irrationnelles, des colères ou des comportements à l’inverse de notre souhait.
Un combat de titans
Ce figement est comme un couvercle posé sur l’agitation liée au stress. Le SNA n’a pas appris à fonctionner harmonieusement. Il a pris l’habitude de fonctionner ainsi : ses parties gérant la défense (système nerveux sympathique) vont s’activer de plus en plus vite et de plus en plus fort, vont être jugées comme dangereuses et arrêtées par les parties qui bloquent tout (nerf vague dorsal dans le SN parasympathique).
La partie apaisante du système nerveux autonome (le nerf vague ventral) immature à la naissance ne peut pas se développer. Voir article sur la théorie polyvagale.
L’état de stress-post-traumatique va se renforcer.
Le cerveau ne fonctionne pas de façon optimale quand le système nerveux est dérégulé, certaines zones sont même inhibées, inaccessibles, permettant une dissociation salutaire à la survie. Les croyances limitantes vont se mettre en place et accentuer la dérégulation. Tout cela pour survivre et fonctionner en apparente sécurité dans un monde dangereux car inadéquat.
L’enfant va grandir en imitant les adultes de son entourage et apprendre à vivre en ne faisant pas pleinement confiance ; il se construit un faux-moi, sur-adapté, une structure défensive, une carapace. Faute de pouvoir faire murir son vrai moi. Il s’éloigne de lui-même et continue très inconsciemment de se sentir en danger derrière ce masque « comme il faut ». Devenu adulte, le SNA a gardé des habitudes obsolètes, ne s’est pas développé harmonieusement et n’a pas fait croître sa maturité émotionnelle. Il continue d’ignorer et d’isoler ses parties souffrantes et s’identifie aux parties de lui qui se conforment. Le clivage permet de fonctionner mais pas de s’épanouir.
( ⃰ L’homéostasie est la capacité d’un système à maintenir l’équilibre des caractéristiques physiologiques)
Prenons l’exemple d’Emmanuel, dont les parents ne supportaient aucune larme, aucune plainte et auxquels il fallait obéir sans broncher. Qui manifestaient peu d’intérêt pour lui. Il a pris l’habitude de ne pas sentir ses vrais besoins, de se taire et d’obéir. Ses réponses de défense étaient retenues par le système nerveux autonome car se défendre aurait été trop dangereux quand il était enfant. Il valait mieux se soumettre. Quand plus tard, pré-adolescent il a rencontré ce professeur de sport qui lui manifestait de l’intérêt, il lui a été impossible de résister à cette figure d’autorité et a subi les assauts de ce professeur; impossible aussi de se confier à ses parents. Il avait appris à céder, à se soumettre et à ne pas chercher d’aide lorsqu’il était en difficulté. Il a subi son drame en silence.
Cela étonne les personnes qui écoutent les victimes. Grâce à la théorie polyvagale on comprend que les croyances limitantes (préjugés, pensées) et comportements perturbés sont liés à une désorganisation du système nerveux autonome. Mais comment en guérir ? En retrouvant le fil de la vie, le fil de soi, pas à pas et en apprenant enfin l’autorégulation du système nerveux.